Le Mexique intensifie sa lutte contre les cartels après le meurtre d'un maire antinarcos
L'assassinat récent du maire d'une grande ville qui pourchassait les trafiquants de drogue dans l'ouest du Mexique a poussé la présidente de gauche Claudia Sheinbaum à renforcer sa stratégie contre le crime organisé.
Indignés par le meurtre de Carlos Manzo, maire d'Uruapan, une ville d'environ 350.000 habitants dans l'État de Michoacan, des dizaines de manifestants ont incendié des bâtiments publics lors de protestations organisées dimanche et lundi dans différentes villes de cette région.
Le Michoacan, avec ses côtes sur le Pacifique et une superficie équivalente à celle du Costa Rica, est une importante région agricole où opèrent plusieurs groupes de narcotrafiquants, et notamment le puissant Cartel Jalisco Nouvelle Génération (CJNG).
Carlos Manzo, coiffé en permanence d'un chapeau de cow-boy, n'hésitait pas à se mettre en scène aux côtés des forces de l'ordre poursuivant des suspects, parfois depuis un hélicoptère. Certains le surnommaient "le Bukele mexicain" en référence au président salvadorien connu pour sa grande fermeté à l'égard des gangs.
Samedi, lors d'un événement public pour la fête des Morts et malgré une imposante garde rapprochée, l'édile de 40 ans a été tué par balles.
"C'était la voix que nous attendions tous", a déclaré à l'AFP Sofia Caseres, une étudiante, lors d'une manifestation.
Le député local Carlos Bautista décrit Carlos Manzo, un ami d'adolescence, comme "un leader né".
Las de la violence et après l'enlèvement de son père, M. Bautista, producteur d'avocats de 43 ans, a rejoint le mouvement dirigé par M. Manzo il y a plusieurs années.
Uruapan est l'épicentre de l'industrie de l'avocat au Mexique. Les producteurs agricoles disent y être devenus la cible d'extorsions de la part des mafias.
"Nous avons peur, mais nous allons tenir bon", a affirmé M. Bautista, joint par téléphone par l'AFP.
Deux semaines avant le meurtre de Carlos Manzo, le leader des producteurs de citrons de Michoacan, Bernardo Bravo, était assassiné.
- Renseignement et coordination -
Après ces crimes retentissants, Claudia Sheinbaum a annoncé mardi le lancement d'un programme pour la sécurité dans le Michoacan. Il prévoit de mettre l'accent sur le renseignement ainsi qu'une meilleure coordination entre forces de l'ordre et justice pour mieux lutter contre les homicides et les extorsions.
La dirigeante, au pouvoir depuis octobre 2024, se targue d'une diminution des homicides au Mexique: en septembre, ils ont atteint une moyenne de 59,5 cas par jour contre 86,9 au même mois en 2024, selon des chiffres officiels.
Mais les analystes avertissent que d'autres causes pourraient expliquer cette baisse. Lorsqu'un cartel domine une région, cette zone se pacifie, a indiqué le spécialiste en sécurité David Saucedo.
Dans le Michoacan en revanche, pas moins de cinq cartels se disputent le territoire.
En donnant la priorité au renseignement et à la coordination, Claudia Sheinbaum se démarque des stratégies de ses prédécesseurs.
Felipe Calderon (2006-2012) a lancé une guerre frontale contre les narcotrafiquants, qui a commencé dans le Michoacan. Son successeur Enrique Peña Nieto (2012-2018) a misé sur l'armement des groupes d'autodéfense, principalement des producteurs agricoles qui se sont soulevés contre la délinquance.
Andres Manuel Lopez Obrador, mentor et prédécesseur de Mme Sheinbaum, a choisi d'éviter les affrontements avec les groupes criminels, préférant s'attaquer aux causes de la violence avec des programmes sociaux, une stratégie résumée par le slogan "des accolades, pas des fusillades", très critiquée par Carlos Manzo.
- Intervention américaine -
La pression sur Mme Sheinbaum a augmenté, non seulement de la part des Mexicains qui réclament plus de sécurité mais également de l'extérieur.
Le président américain Donald Trump a offert à Mexico un soutien militaire pour combattre les cartels. Claudia Sheinbaum a rejeté cette proposition. Des informations de la chaîne américaine NBC indiquent néanmoins que l'administration Trump a commencé à entraîner des troupes pour une éventuelle opération contre les cartels sur le sol mexicain.
La "rhétorique" américaine a changé, avec un Mexique présenté non plus comme un "problème" mais comme un partenaire en matière de sécurité, relève Cecilia Farfan, responsable de l'observatoire de l'Amérique du Nord au sein de l'Initiative mondiale contre le crime organisé transnational.
Mais l'assassinat de Carlos Manzo "sert de preuve" à ceux qui plaident pour "une intervention (américaine) au Mexique", prévient-elle.
K.Grimaud--PS