Climat: la CEDH rejette un recours contre la Norvège
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rejeté mardi un recours contre la Norvège au nom de la lutte contre le changement climatique dans le cadre de la délivrance en 2016 de permis pétroliers dans l'Arctique.
Ce jugement constitue un revers pour les défenseurs de la justice climatique, après l'arrêt que la cour a rendu en 2024 contre la Suisse, accusée d'inaction climatique.
Dans son arrêt de mardi, l'institution, basée à Strasbourg, a estimé qu'il n'y avait pas eu violation de l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l'homme, comme l'estimaient les plaignants.
La CEDH avait été saisie il y a quatre ans par six militants norvégiens nés entre 1995 et 2001, ainsi que les branches locales des ONG de défense de l'environnement Greenpeace et Jeunes amis de la Terre.
Les plaignants invoquaient également l'article 2 de la convention (droit à la vie) mais la cour n'a pas jugé "nécessaire" d'examiner leur requête sur ce point.
Selon eux, l'Etat, avant d'accorder ces licences de production pétrogazières, "n'a pas procédé à une étude d'impact environnemental des effets potentiels de l'extraction pétrolière sur les obligations de la Norvège en matière d'atténuation du changement climatique".
L'arrêt reconnaît d'ailleurs que "l'évaluation des incidences réalisée lors des processus ayant abouti à la décision de 2016 n'était pas réellement exhaustive".
Mais la Cour n'a pas retenu l'argument selon lequel Oslo a omis de remplir son "obligation de protéger effectivement les individus contre les effets néfastes graves du changement climatique sur leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie".
Premier producteur de pétrole et de gaz d'Europe occidentale, la Norvège est régulièrement mise en cause pour son exploitation des hydrocarbures, source à la fois de prospérité mais aussi de dérèglement climatique.
- Bras de fer judiciaire -
La décision de la CEDH est le point d'orgue d'une longue bataille judiciaire.
Le 10 juin 2016, le ministère de l'Énergie norvégien accorde à 13 sociétés privées, parmi lesquelles le champion national Statoil (rebaptisé depuis Equinor), les américains Chevron et ConocoPhillips et le russe Lukoil, 10 licences d'exploration sur le plateau continental norvégien, en mer de Barents.
S'appuyant à l'époque sur l'Accord de Paris qui vise à limiter à moins de 2°C le réchauffement climatique, les ONG font appel à la justice locale, jugeant cette attribution contraire à l'article 112 de la Constitution garantissant à chacun le droit à un environnement sain. Elles réclament leur annulation.
A chaque fois, les tribunaux tranchent en faveur des autorités.
Dans son jugement en appel, la Cour suprême norvégienne estime en 2021 que l'attribution des permis n'est pas contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, parce qu'elle ne représente pas "un risque réel et immédiat" pour la vie et l'intégrité physique.
- Précédent suisse -
Les plaignants se tournent alors vers la CEDH, juridiction internationale dont la mission de protéger les droits fondamentaux en Europe.
Entre-temps, aucun gisement de gaz potentiellement rentable n'ayant été découvert, les sociétés privées ont fini par restituer les licences.
L'an passé, la cour de Strasbourg a rendu un arrêt historique en condamnant pour la première fois un Etat pour son manque d'action face au changement climatique, en l'occurrence la Suisse, poursuivie par une association, Les Aînées pour la protection du climat.
Cette décision est appelée à faire jurisprudence dans les 46 Etats membres du Conseil de l'Europe.
Puis en juillet dernier, la Cour internationale de justice (CIJ) a adopté un avis consultatif stipulant que les Etats qui violent leurs obligations climatiques commettent un acte "illicite" et pourraient se voir réclamer des réparations par les pays les plus affectés.
La CIJ avait particulièrement visé l'octroi de permis d'exploration ou de subventions pour les combustibles fossiles.
Q.Mathieu--PS