
A Gaza, un petit carré de terre "pour survivre un jour de plus"

Entre les tentes d'un camp de déplacés à Gaza-ville, un petit carré de verdure émerge de la terre poussiéreuse: dans le chaos de la guerre, Ibrahim Abu Jabal, un agriculteur palestinien, prend soin de ses tomates, concombres et poivrons en espérant ainsi subvenir aux besoins de sa famille.
"Nos corps ont besoin de tomates, de concombres", raconte à l'AFP cet homme de 39 ans, père de neuf enfants.
"Et ces produits sont chers ici. Pas seulement chers, ils ne sont même pas disponibles. Il n'y a pas de tomates, et même s'il y en avait, nous n'aurions pas l'argent pour les acheter."
Sur une parcelle de 120 mètres carrés près de sa tente, au milieu de ce camp où vivent des dizaines de milliers de Palestiniens, l'agriculteur cultive le sol sablonneux après avoir récupéré des graines de légumes séchés.
Il parvient généralement à arroser ses rangées de plantes à partir d'un tuyau où l'eau coule une heure par jour et à remplir de grandes cruches pour les rapporter jusqu'à sa parcelle.
"En raison de la situation que nous traversons, du coût de la vie élevé et de l'envolée des prix des légumes, j'ai dû retourner à mon ancien métier", témoigne Ibrahim Abu Jabal.
"J'ai préparé cette parcelle pour pouvoir recommencer à planter, juste pour que mes enfants et moi puissions survivre un jour de plus, ou un peu plus longtemps."
- L'accès à l'aide "bloqué" -
Après 22 mois de guerre entre l'armée israélienne et le Hamas dans la bande de Gaza, assiégée par Israël, l'ONU et les ONG s'alarment d'un risque de "famine généralisée" parmi les plus de deux millions d'habitants du territoire palestinien.
Un blocus hermétique imposé par Israël début mars, puis assoupli fin mai, a provoqué de très graves pénuries de nourriture notamment.
Fin juillet, Israël a annoncé des pauses limitées dans les combats pour permettre l'acheminement de l'aide humanitaire, qui reste cependant insuffisante, selon les organisations internationales, face aux besoins immenses de la population.
Mercredi, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a affirmé que seulement 1,5% des terres agricoles de Gaza étaient encore cultivables, en se basant sur des données satellitaires.
Avant la guerre, déclenchée par l'attaque sanglante du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, l'agriculture représentait environ 10% de l'économie gazaouie et environ un quart de la population vivait au moins partiellement de l'agriculture, de l'élevage ou de la pêche, selon la FAO.
"Gaza est aujourd'hui au bord d'une famine généralisée", a affirmé mercredi le directeur général de cette agence, Qu Dongyu.
"Les gens meurent de faim non pas parce qu'il n'y a pas de nourriture, mais parce que l'accès à celle-ci est bloqué, que les systèmes agroalimentaires locaux se sont effondrés et que les familles ne peuvent plus subvenir à leurs besoins les plus élémentaires".
- "Tenir une journée" -
Les sites de distribution d'aide gérés depuis la fin mai par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), un organisme soutenu par les Etats-Unis et Israël, ont souvent été le théâtre de scènes chaotiques et meurtrières.
Le 22 juillet, le bureau des droits de l'homme de l'ONU a affirmé que plus de mille Palestiniens qui tentaient d'obtenir de la nourriture avaient été tués par des tirs israéliens depuis le début des opérations de la GHF, dont près des trois quarts à proximité de sites de distribution.
Une fille d'Ibrahim Abu Jabal, âgée de neuf ans, a été blessée près d'une cuisine caritative.
"L'aide américaine ne répond pas aux besoins des gens, pas même d'un enfant", remarque-t-il. "Au mieux, cela m'aide à tenir une journée. Pour quelqu'un comme moi qui a neuf enfants, en quoi une seule boîte d'aide peut-elle aider?".
E.Roger--PS