
Les Brics mis sous pression par les menaces douanières de Trump

Les Brics avaient critiqué la guerre commerciale lancée par Donald Trump avec sobriété, et sans même le citer. Cela n'a pas suffi à leur épargner la colère du président américain, qui les menace de droits de douane supplémentaires.
Réuni pour son sommet annuel à Rio de Janeiro, sous les auspices du président brésilien de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, le groupe de pays émergents avait exprimé dimanche ses "sérieuses préoccupations" face à l'"augmentation de mesures douanières et non-douanières unilatérales qui faussent le commerce".
De telles mesures "affectent les perspectives de développement économique mondial", a averti le bloc de onze pays, qui représentent près de la moitié de la population mondiale et 40% du PIB de la planète, dans une déclaration conjointe.
Les Brics, qui incluent notamment le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, n'avaient pas cité nommément les Etats-Unis ni leur président.
Mais cela n'a pas empêché une vive réplique du locataire de la Maison-Blanche.
"Tout pays s'alignant sur les politiques anti-américaines des Brics se verra appliquer un droit de douane SUPPLEMENTAIRE de 10%. Il n'y aura pas d'exception à cette politique", a écrit M. Trump sur la plateforme Truth Social.
- "Empereur" -
Face au coup de semonce, Chine et Russie ont tenté lundi de calmer le jeu, tandis que Lula a répliqué sur un ton outragé.
"Nous ne voulons pas d'un empereur. Nous sommes des pays souverains", a-t-il lancé lors d'une conférence de presse clôturant le sommet de Rio.
"S'il pense qu'il peut taxer, les autres pays ont le droit de taxer aussi. Il y a la loi de la réciprocité", a-t-il averti.
La Chine, de loin la puissance dominante au sein des Brics, a choisi un ton nettement plus mesuré, disant refuser "la confrontation".
"La Chine a toujours affirmé sa position selon laquelle les guerres commerciales et tarifaires ne font pas de gagnants et que le protectionnisme ne permet pas d'avancer", a déclaré Mao Ning, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Les Brics "prônent l'ouverture, l'inclusion et la coopération gagnant-gagnant", a-t-elle souligné.
Menacée de droits de douane exorbitants, la Chine, dont le président Xi Jinping était le grand absent du sommet de Rio, s'est accordée avec Washington sur un cadre général pour lisser leurs différends commerciaux, au prix de difficiles discussions.
Visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crime de guerre présumé en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine n'a pas non plus fait le déplacement à Rio, mais a participé par visioconférence.
Le Kremlin s'est aussi employé à faire baisser la température après les nouvelles menaces de M. Trump.
"L'interaction au sein des Brics n'a jamais été et ne sera jamais dirigée contre des pays tiers", a assuré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, selon les agences russes.
Quant au président sud-africain Cyril Ramaphosa, il a jugé "vraiment décevant qu'après une initiative collective très positive comme celle des Brics, certains puissent la percevoir de manière négative et veuillent punir ceux qui y participent".
- "Peur" -
M. Trump "ne cible plus un pays spécifique, mais il menace le bloc tout entier", a estimé auprès de l'AFP Marta Fernandez, directrice du Brics Policy Center, centre de recherches de l'université catholique PUC de Rio.
Cela vise à inspirer la "peur à certains des pays qui négocient bilatéralement avec Trump, comme c'est le cas de l'Inde", a-t-elle analysé.
Créé pour rééquilibrer l'ordre mondial au bénéfice du "Sud global" face à l'Occident, le groupe des Brics s'est élargi depuis 2023 avec l'Arabie saoudite, l'Egypte, les Émirats arabes unis, l'Éthiopie, l'Iran puis l'Indonésie.
L'hostilité de M. Trump à l'égard du bloc ne date pas d'hier. Il avait en effet menacé d'imposer des droits de douane de 100% aux pays qui défieraient la domination internationale du dollar. Une réponse directe à l'idée, prudemment émise au sein du groupe, d'une alternative au dollar pour le commerce entre pays membres.
A Rio, les Brics ont encore donné un autre motif d'irritation au président américain, en condamnant dans leur déclaration conjointe les attaques menées en juin contre l'Iran par les Etats-Unis et Israël - là aussi en évitant de nommer ces deux pays.
N.David--PS