
Le Mercosur en sommet, un oeil sur l'accord avec l'UE, l'autre sur la relation Lula-Milei

Les pays sud-américains du Mercosur sont réunis mercredi et jeudi à Buenos Aires, en Argentine, en sommet régional, le regard tourné vers Bruxelles où se joue l'avenir de l'accord de libre-échange entre l'UE et le bloc sud-américain, mais aussi sur la proximité crispée entre Lula et Javier Milei.
Le président brésilien de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, à l'inimitié notoire avec l'ultralibéral argentin Javier Milei, pourrait même être la vedette du sommet, avec une probable rencontre vouée à être médiatisée avec sa vieille alliée politique, l'ex-présidente argentine Cristina Kirchner, désormais détenue à domicile.
La justice a autorisé Mme Kirchner à recevoir chez elle la visite de Lula, comme elle l'avait demandé. Mais en rappelant qu'elle doit "s'abstenir de tout comportement susceptible de troubler la tranquillité du voisinage et/ou de perturber la cohabitation pacifique de ses habitants".
Une référence aux centaines de sympathisants qui se sont relayés sous les fenêtres de Mme Kirchner, en une veille bruyante et quasi-permanente, dans les jours suivant sa condamnation par la Cour suprême, début juin, à six ans de prison et d'inéligibilité à vie, pour administration frauduleuse pendant sa présidence (2007-2015).
- Lula prend le relais -
A l'issue du sommet du Mercosur, Lula doit assumer pour six mois la présidence du bloc régional (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, Bolivie), succédant à Milei. Il a affirmé récemment qu'il ne quitterait pas cette présidence, fin 2025, sans avoir finalisé un accord avec l'UE.
Mais pour l'heure le sommet, précédé mercredi d'une réunion des chefs de la diplomatie, est voué faute de mieux à réaffirmer l'importance de l'accord de libre-échange avec l'UE, signé fin 2024 au bout de 25 ans de négociations, mais qui doit être ratifié par les pays européens.
Il vise à créer un vaste marché de plus de 700 millions de consommateurs, qui permettrait à l'UE d'exporter notamment plus de voitures, machines ou spiritueux vers l'Amérique du Sud.
En retour, il faciliterait l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, au risque de fragiliser certaines filières agricoles européennes, ce qui a suscité l'ire et la mobilisation des agriculteurs français en particulier.
La France considère l'accord inacceptable en l'état et veut le voir complété par des mesures additionnelles pour "protéger certains marchés agricoles clés", a récemment plaidé son président Emmanuel Macron.
Paris a récemment intensifié ses efforts auprès de pays européens pour les rallier et obtenir une minorité de blocage, alors que le texte juridique de l'accord pourrait être présenté "d'ici quelques jours" au vote des Etats-membres, selon la Commission européenne.
"Aujourd'hui, la balle est dans le camp de l'Europe", résume pour l'AFP Ariel Gonzalez Levaggi, du Centre d'études internationales de l'Université catholique de Buenos Aires.
Or, "la marge de manœuvre domestique pour faire avancer l'accord y est désormais plus réduite", d'autant que "l'Europe doit faire face à plusieurs fronts, dont l'augmentation des dépenses de défense, pas très populaire", estime M. Gonzalez Levaggi. Ce, malgré l'intérêt de l'Europe à approfondir ses liens avec l'Amérique du Sud.
Dans l'attente, le Mercosur a annoncé mercredi une avancée avec d'autres Européens: la finalisation d'un accord de libre-échange avec l'Association européenne de libre-échange (AELE) qui regroupe Norvège, Islande, Liechtenstein et Suisse, non-membres de l'UE.
- Relation Brésil-Argentine -
Cet accord, conclu initialement en 2019 mais soumis par la suite à une révision, crée un marché de près de 300 millions de personnes, facilitant l'accès de 97% des exportations des pays concernés, couvrant notamment biens et services, investissements, propriété intellectuelle.
Les deux blocs "partagent l'engagement de prendre les mesures nécessaires pour garantir la signature du traité de libre-échange dans les prochains mois de 2025", a affirmé le ministre argentin des Affaires étrangères, Gerardo Werthein.
Une avancée bienvenue pour un Mercosur qui avance "par inertie, comme atteint entre les sommets par une sorte de léthargie", analyse Juliana Peixoto, chercheuse en relations internationales au Conicet, le Conseil national de la recherche scientifique et technique, une agence gouvernementale argentine.
La faute sans doute "à une relation Brésil-Argentine qui traverse un de ses pires moments, en termes d'absence de convergence politique", malgré un "noyau d'échanges commerciaux stables". Le Brésil est le premier partenaire commercial de l'Argentine.
Milei et Lula ont un rapport notoirement glacial, et même si les relations diplomatiques se sont apaisées après des échanges initiaux d'invectives, les deux dirigeants n'ont jamais eu de relation bilatérale en un an et demi de présidence Milei, bien qu'ayant participé à divers forums communs.
Rien n'indiquait mercredi que le sommet de Buenos Aires dérogerait à cet évitement.
U.Andre--PS