
Commerce: les pays de l'Asie-Pacifique "inquiets", Séoul reprend ses discussions avec Washington

Les pays de l'Asie-Pacifique, dont la Chine et les Etats-Unis, se sont dits vendredi "inquiets" des "défis fondamentaux" assombrissant les échanges mondiaux, à l'issue d'une réunion ministérielle sur fond de guerre douanière, en marge de laquelle Séoul a repris ses discussions avec Washington.
Les ministres du Commerce des 21 économies de l'APEC (Coopération économique Asie-Pacifique) étaient réunis pour deux jours dans l'île de Jeju en Corée du Sud, sous pression de l'offensive douanière du président américain Donald Trump.
"Nous sommes inquiets des défis fondamentaux auxquels est confronté le système commercial mondial (...) nous réaffirmons notre engagement commun à faire progresser l'intégration économique dans la région", ont-ils souligné dans une déclaration finale commune.
Le ministre sud-coréen du Commerce, Cheong In-Kyo, a reconnu que ce communiqué au ton pourtant très général avait été négocié difficilement en raison de "divergences de position significatives", surmontées "à la dernière minute".
Les pays de l'APEC (Australie, Vietnam, Thaïlande, Japon, Chine, Canada, Etats-Unis, Mexique...) ont aussi rappelé l'importance de "chaînes d'approvisionnement durables" et pérennes.
"Cela envoie un signal très positif aux marchés mondiaux", montrant que "les membres de l'APEC peuvent collaborer pour naviguer efficacement à travers un contexte commercial incertain", s'est félicité Cheong In-Kyo.
Vu les situations économiques et "positionnements" très contrastés des pays de l'APEC, "il est difficile" de concevoir une réponse commune aux droits de douane américains, reconnaît-il cependant, estimant que l'APEC peut demeurer le cadre d'efforts visant à "surmonter l'incertitude".
A Jeju, le représentant américain au Commerce Jamieson Greer a ainsi multiplié les entretiens bilatéraux en marge de la réunion.
Il a rencontré jeudi le vice-ministre chinois du Commerce Li Chenggang, quelques jours après la conclusion d'une trêve dans les lourdes surtaxes douanières que s'imposent Pékin et Washington.
-"Accord global"-
Et après avoir vu Cheong In-Kyo, Jamieson Greer s'est entretenu vendredi avec le ministre sud-coréen du Commerce et de l'Industrie Ahn Duk-geun, avant des "négociations techniques" la semaine prochaine dans la suite de discussions bilatérales entamées à Washington fin avril.
Avec un excédent commercial de 66 milliards de dollars avec les Etats-Unis l'an dernier (juste derrière le Vietnam, Taïwan et le Japon en termes de plus gros excédents), la Corée du Sud est dans le viseur de Washington.
Le pays, dépendant des exportations, est touché durement par les surtaxes douanières de 25% sur l'automobile imposées début avril par Donald Trump. L'automobile constitue 27% des exportations sud-coréennes vers les Etats-Unis.
M. Trump a également annoncé des surtaxes "réciproques" généralisées atteignant 25% sur les exportations sud-coréennes, avant de les suspendre jusqu'à début juillet.
Séoul espère y échapper en concluant un "accord global", avec notamment des importations accrues de gaz naturel liquéfié (GNL) américain et des discussions sur le taux de change du won, monnaie que Washington accuse d'être sous-évaluée.
"Notre objectif est de finaliser un accord avant la date-butoir (début juillet), nous mettons tout en œuvre pour respecter ce délai, et les États-Unis n'ont aucune raison de jouer la montre", a estimé Ahn Duk-geun vendredi.
-Chantiers navals-
La Corée du Sud pourrait également promettre son assistance dans la construction navale, secteur où elle est leader après la Chine et où les Etats-Unis entendent se muscler pour réduire leur dépendance.
Jamieson Greer a rencontré vendredi l'influent patron sud-coréen Chung Ki-sun, vice-président de HD Hyundai, géant des chantiers navals, et le dirigeant de Hanwha Ocean, autre mastodonte du secteur.
HD Hyundai a annoncé avoir proposé à M. Greer une collaboration pour la fabrication de grues portuaires, et "plusieurs axes de coopération": développements technologiques conjoints, formation de main-d'œuvre...
Plus généralement, Séoul insiste sur son accord de libre-échange avec les Etats-Unis, entré en vigueur en 2012, et son rôle de "partenaire important", notamment en terme de coopération industrielle.
Autre sujet sensible: Washington a ouvert en avril une enquête sur les semi-conducteurs, ouvrant la voie à des surtaxes douanières sur ce secteur --au risque de menacer les deux mastodontes sud-coréens des puces, Samsung Electronics et SK hynix.
La Corée du Sud, a exporté aux Etats-Unis pour 10,7 milliards de dollars de semi-conducteurs en 2024.
La guerre commerciale intervient alors que la Corée du Sud sort fragilisée d'une longue crise politique avec la destitution du président Yoon Suk Yeol. Son activité économique mesurée par l'évolution du PIB s'est contractée de 0,1% au premier trimestre.
Z.Garcia--PS