
Automobile: la France et l'Allemagne bousculées par les difficultés du secteur

Des usines à l'arrêt chez les deux premiers constructeurs européens Volkswagen et Stellantis, des équipementiers qui licencient en masse en Allemagne, le virage vers l'électrique plus difficile que prévu: le secteur automobile traverse une zone de sévères turbulences en France et en Allemagne.
Vendredi, c'est Renault qui a confirmé mener "des réflexions" "face aux incertitudes du marché", après des informations de presse évoquant 3.000 suppressions de poste dans le monde, y compris à son siège à Boulogne-Billancourt, près de Paris. Le groupe a précisé n'avoir encore pris "aucune décision".
Il avait déjà indiqué fin juillet avoir gelé les embauches au niveau mondial jusqu'à la fin de l'année, sauf pour les ouvriers dans les usines.
Les constructeurs européens sont plombés par la baisse des ventes sur le continent et un marché de l'électrique qui peine à décoller malgré la réglementation européenne qui interdira les véhicules thermiques d'ici 2035 au sein de l'UE.
En Allemagne, ils connaissent aussi des déboires à cause de coûts de l'énergie élevés et d'une perte de compétitivité à l'international.
Les annonces frappant les usines outre-Rhin se multiplient.
- Volkswagen, Bosch... -
Volkswagen suspendra une semaine en octobre la production dans deux sites consacrés à des modèles électriques. Le groupe a évoqué une "grande incertitude" avec "le conflit douanier avec les États-Unis et le débat sur la sortie du moteur thermique".
Le géant aux dix marques (Audi, Skoda, Seat...) a revu à la baisse ses prévisions pour 2025, après l'avertissement de sa filiale Porsche qui repousse la sortie de certains modèles électriques tout en lançant de nouveaux modèles à moteurs thermiques et hybrides.
La marque de luxe prévoit en outre de licencier la majorité des employés de sa branche de batteries Cellforce qui n'est jamais parvenue à rattraper les poids lourds asiatiques du secteur.
Les équipementiers ne sont pas épargnés. Cette semaine, l'allemand ZF a indiqué qu'il allait supprimer de 7.600 emplois, emboîtant le pas de Bosch.
Le premier équipementier mondial a décidé fin septembre de supprimer 13.000 postes supplémentaires en Allemagne (3% de ses effectifs dans le monde), s'ajoutant aux 9.000 suppressions annoncées depuis 2024.
Mi-septembre, Ford avait averti de la suppression de 1.000 postes dans son usine de Cologne, dédiée à l'électrique, après avoir annoncé en juillet 4.000 postes en moins en Europe.
Dans une industrie allemande en crise où aucun secteur n'est épargné, l'automobile affiche le pire bilan en termes d'emplois: environ 51.500 postes (7% des effectifs) avaient été supprimés sur un an à fin juin, selon une étude du cabinet EY.
- Niveau d'avant Covid -
Le marché européen n'a jamais retrouvé son niveau d'avant Covid.
"Avant la crise (sanitaire), l'industrie européenne produisait environ 19 millions d'unités (de voitures par an, ndlr). Maintenant, nous sommes en passe d'atteindre les 15 millions d'unités", a récemment rappelé le patron de Stellantis Antonio Filosa, "et l'Europe est la seule parmi les grandes régions à décliner aussi rapidement".
En France, malgré les aides à l'achat du gouvernement, les ventes sur les neuf premiers mois de 2025 ne représentent que trois quarts des ventes sur la même période en 2019, selon la Plateforme automobile (PFA), l'association des constructeurs.
Environ 75.000 emplois dans l'automobile risquent de disparaître dans le pays d'ici 2035, selon une étude de la PFA en juin, et 40.000 ont déjà été supprimés depuis 2020, soit plus de 10% des effectifs.
Stellantis a récemment annoncé mettre à l'arrêt plusieurs de ses usines pour plusieurs jours à Poissy, Sochaux et Mulhouse, après des annonces similaires concernant des sites en Allemagne, Espagne, Pologne et Italie.
Le groupe aux 14 marques (Citroën, Fiat, Opel, Peugeot...) explique vouloir "adapter le rythme de production à un marché européen difficile".
Si le secteur mise sur le développement l'électrique, les constructeurs français et allemands dénoncent l'obligation de se convertir à marche forcée.
Au salon automobile de Munich, en septembre, Volkswagen, Stellantis, BMW et Mercedes-Benz ont remis en cause l'objectif zéro émission en 2035 de Bruxelles.
Les Européens subissent enfin la montée en puissance des constructeurs chinois, comme le géant BYD, dont les ventes connaissent une progression exponentielle, même si elles restent très minoritaires.
A.Dupont--PS