
Puces taxées à 100%: l'Asie sous pression pour investir aux Etats-Unis

L'Asie digérait jeudi l'annonce de Donald Trump de taxer à 100% les semi-conducteurs et d'accroître la pression sur les entreprises pour produire aux Etats-Unis: de quoi épargner potentiellement Apple, qui dévoile des investissements massifs, mais aussi le géant taïwanais des puces TSMC.
Si les ventes de semi-conducteurs s'envolent à des niveaux record avec l'essor de l'intelligence artificielle (IA), une épée de Damoclès menaçait le secteur depuis avril avec une enquête de Washington concernant la dépendance des Etats-Unis vis-à-vis de ces composants cruciaux.
Or, le président américain a annoncé mercredi qu'il comptait taxer "autour de 100%" les puces importées aux Etats-Unis, sans indiquer de calendrier.
"C'est une bonne nouvelle pour les entreprises qui produisent aux Etats-Unis (...) Si vous vous êtes engagé à y fabriquer ou si vous êtes en train de le faire, vous ne paierez rien", a-t-il déclaré depuis la Maison Blanche.
A ses côtés, Tim Cook, le patron du géant électronique Apple - très gourmand en puces pour ses iPhones -, a justement promis mercredi 100 milliards de dollars d'investissements supplémentaires dans le pays.
Les puces sont de longue date dans le viseur de Donald Trump, qui avait accusé Taïwan d'avoir "volé" l'industrie américaine des semi-conducteurs.
Or, le mastodonte taïwanais du secteur TSMC, qui produit l'essentiel des semi-conducteurs les plus sophistiqués, utilisés aussi bien par Apple que par les équipements d'intelligence artificielle de pointe de Nvidia, pourrait lui aussi être relativement épargné.
Soucieux d'amadouer Washington, il avait annoncé début mars investir 100 milliards de dollars aux États-Unis pour y construire des usines.
Etant donné qu'il est "le principal exportateur de Taïwan, et qu'il dispose d'usines aux Etats-Unis, TSMC est exempté", a déclaré jeudi Liu Chin-ching, directeur du Conseil national de développement taïwanais.
L'enjeu est massif: Taïwan a exporté pour 7,4 milliards de dollars de semi-conducteurs vers les Etats-Unis en 2024.
-"Orientation stratégique"-
Signe d'un marché soulagé, TSMC s'envolait à la mi-journée de presque 5% à la Bourse de Taipei.
Le Sud-Coréen Samsung Electronics, associé à Texas Instruments pour construire des usines de puces aux Etats-Unis, grimpait lui de 1,96% vers 04H30 GMT. Son compatriote SK Hynix gagnait 0,9%.
La Corée du Sud, qui a exporté l'an dernier pour 10,7 milliards de dollars de puces aux Etats-Unis, a assuré jeudi compter sur le "traitement de la nation la plus favorisée" pour voir ses firmes exemptées.
La surtaxe "aurait évidemment un impact sur l'orientation stratégique future des entreprises de semi-conducteurs", explique à l'AFP Arisa Liu, chercheuse à l'Institut de recherche économique de Taïwan.
"Les États-Unis étant le premier acteur mondial de l'IA et du calcul haute performance associé, cela concernera au premier chef les entreprises impliquées dans les procédés avancés" en particulier TSMC, ajoute-t-elle, tout en reconnaissant que "l'avenir reste très incertain" et que le renchérissement des coûts de production pourrait poser problème.
Mais pour l'heure, avec des investissements en cours, "on n'en est pas encore à la production visée de TSMC aux Etats-Unis (...) et c'est encore pire pour Samsung, qui ne fait que commencer la production, et SK Hynix qui n'y a pas d'activité", rappelle cependant à l'AFP Alicia Garcia-Herrero, économiste de Natixis.
- "Indispensables" -
Les menaces de Donald Trump ont d'ailleurs bousculé jeudi les valeurs technologiques japonaises: Tokyo Electron, fabricant majeur d'équipements pour la production de puces, chutait de 2,73%. Le fabricant de semi-conducteurs Renesas plongeait de 3,44%.
Les PME japonaises du secteur, elles, "pourraient vaciller dans un premier temps (...) mais de nombreux équipements japonais sont indispensables à la plupart des fabricants de puces qui cherchent à accroître leur production américaine", tempérait cependant Andrew Jackson, analyste de Ortus Advisors, cité par Bloomberg.
Les Etats-Unis pourraient exempter "les puces haut de gamme et machines de lithographie", mais un niveau de 100% "donnerait le coup de grâce aux producteurs de puces bas de gamme, en Malaisie, par exemple, ou aux exportateurs chinois de puces bon marché", ajoute-t-elle.
La politique américaine pourrait toutefois avoir un effet paradoxal, avertit Chiang Min-yen, du Research Institute for Democracy, Society, and Emerging Technology à Taïwan.
Les fabricants de puces historiques n'ayant pas les poches aussi profondes que TSMC pour investir aux Etats-Unis pourraient voir leur production déstabilisée par ces surtaxes "au risque de favoriser la concurrence déloyale chinoise", redoute-t-il.
Avec pour danger de "se voir à terme de dépendre davantage des puces chinoises, ce qui nuirait à notre cybersécurité", estime-t-il.
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L.Lefevre--PS