
Au coeur du procès Adecco à Lyon: amateur "dépassé" ou jeune hacker de génie ?

Jeune génie de l'informatique responsable d'une "galaxie d'escroqueries" en ligne ou amateur "dépassé", engagé dans une fuite en avant sous la menace de dangereux créanciers? Le tribunal correctionnel de Lyon tente depuis lundi de mieux cerner Timothée Lhomond, personnage central de l'affaire dite "du piratage d'Adecco".
Quatorze personnes sont jugées à Lyon pendant deux semaines pour une imposante série de cyber-escroqueries, mise au jour presque incidemment en 2022, quand un jeune stagiaire puis CDD de la branche française d'Adecco se fait pincer pour avoir livré à des hackers ses accès à une base de données du géant de l'intérim.
Considéré comme le "personnage central" de ce réseau, Timothée Lhomond, 22 ans, comparait pour 20 infractions à lui seul: atteinte à une base de donnée, blanchiment, fabrication et vente de fausses cartes d'identité... et diverses escroqueries pour des millions d'euros, le tout "en bande organisée".
Le costume paraît bien large pour ce garçon au visage juvénile surmonté de fines lunettes, le seul des prévenus en détention provisoire, depuis plus d'un an et demi. Il répond, avec une expression souvent contrite, de manière très policée et déférente au tribunal, mains derrière le dos.
Une posture régulièrement mise en doute par la juge et ses assesseurs, la procureure mais aussi quelques-uns des 362 avocats de plus de 5.500 parties civiles, sur plus de 72.000 victimes identifiées dans ce procès hors normes.
Cela donne le vertige. "En voyant tous ces avocats, ces victimes qui me regardent, la peine que je risque (10 ans d'emprisonnement), je ne nie pas mes responsabilités, mais je regrette", lâche-t-il.
-"Paniqué"-
Une repentance qui n'a pas empêché Timothée Lhomond, souligne la présidente du tribunal Brigitte Vernay, de continuer d'orchestrer ses escroquerie sur le net en prison il y a encore sept mois, grâce à un smartphone "très actif". Et de "menacer" des témoins et coprévenus, renchérit la procureure Amélie Djaoudo.
"J'avais de très grosses dettes", plaide le jeune homme, tête basse: "en prison, on m'a fait comprendre que ces dettes n'étaient pas annulées" et "vous savez comment c'est en prison...", lâche-t-il sans plus de détails.
"J'ai été en relation avec des escrocs et cela a commencé à me dépasser (...) je m'attendais à ce qu'ils viennent me réclamer l'argent, j'étais paniqué, j'avais peur", avance Lhomond.
Bac scientifique en poche, il dit avoir abandonné ses études en première année de BTS informatique. "Parce que ça ne me plaisait pas".
Il passe son temps sur la plateforme de discussion Discord pour adeptes des jeux vidéo en ligne puis Telegram, des réseaux opaques propices à la cybercriminalité selon les enquêteurs.
-"3 sur 10"-
Il avoue vivre, à 20 ans au moment de l'éclatement de l'affaire Adecco, avec environ "3.000 à 4.000 euros par mois" tirés de ses "activités illégales" sur le net.
A 20 ans encore, il créé sa propre société, CERIOS, de création de logiciels de "détection des fuites de données" pour les entreprises. "Formidable !", ponctue la juge Vernay sourire aux lèvres.
"Je ne suis pas le +génie+ de l'informatique, le +cerveau" de l'affaire comme la presse me décrit", lance-t-il, au diapason de ses avocats.
"Sur une échelle de 1 à 10, comment vous situez-vous ?" dans l'habileté cybercriminelle, interroge la juge Vernay. "Je me débrouille, peut-être un peu plus que la moyenne mais je ne suis pas bon", répond modestement Lhomond: "10 étant le meilleur hacker du monde, je suis à 3 alors"...
L'instruction de l'enquête, dont l'AFP a lu des extraits, souligne ses "capacités intellectuelles élevées" et "une forme d'escalade addictive" l'ayant mené à la tête de "bien plus qu'une association de malfaiteurs pour préparer un ou quelques délits": Thimothée Lhomond a mis en place des "structures entrepreneuriales riches en ressources humaines" et utilisé des "logiciels pointus" pour "des galaxies d'escroqueries dans divers domaines".
T.Girard--PS