Neutralité et financement: la patronne de France Télé va rendre des comptes aux députés
Delphine Ernotte Cunci, présidente de France Télévisions, est attendue de pied ferme mercredi par les députés de la commission d'enquête sur la "neutralité" et "le financement de l'audiovisuel public", dans un contexte inflammable pour son groupe.
La dirigeante en poste depuis dix ans a affûté ses arguments pour cette audition qui démarrera à 15H30. Elle a assuré au Figaro aborder ces travaux "avec sérénité", même si elle ne s'attendait "pas à autant de polémiques" en quelques mois autour de France Télé.
Charles Alloncle, membre du groupe UDR d'Eric Ciotti et rapporteur de la commission, a déjà donné le ton: il dénonce des "entorses au principe de neutralité" commises par l'audiovisuel public ainsi que de "graves dysfonctionnements financiers et budgétaires".
"Il va chercher à la faire sortir de ses gonds", anticipe-t-on au sein de France Télévisions, qui regroupe 5 chaînes, 24 antennes régionales et le réseau Outre-mer La Première, soit 8.800 salariés.
Charles Alloncle a promis des "pistes radicales" dans le rapport final - non contraignant - qu'il rendra public au printemps, sans se prononcer à ce stade sur une éventuelle privatisation de l'audiovisuel public souhaitée par ses alliés du Rassemblement national.
L'audiovisuel public est accusé par une partie de la droite et le Rassemblement national de partialité en faveur de la gauche.
Cette commission d'enquête a été créée par le groupe ciottiste dans la foulée de l'affaire Legrand-Cohen. Ces deux journalistes du service public ont été accusés de connivence avec le Parti socialiste après la diffusion, début septembre, d'une vidéo les montrant dans un restaurant avec deux de ses responsables.
Jérémie Patrier-Leitus, président (Horizons) de la commission d'enquête, cherche à éviter "le procès de l'audiovisuel public".
La commission, composée d'une trentaine de députés de tous bords, "peut être utile si elle permet d'objectiver les choses" sur la neutralité et le fonctionnement du secteur, "à l'ère de la rumeur", prône-t-il.
En septembre, un rapport de la Cour des comptes a mis en évidence une "situation financière critique" à France Télé, qui impose "sans délai des réformes structurelles". Les Sages demandent que l'Etat fixe à l'entreprise "une trajectoire financière réaliste", alors qu'une coupe budgétaire de 65 millions d'euros se profile pour 2026.
M. Alloncle cherche à savoir si ce rapport a été retardé pour permettre la reconduction de Mme Ernotte Cunci pour un troisième mandat en mai dernier - les magistrats de la Cour, auditionnés la semaine dernière, l'ont récusé. Dans une rare mise au point, la Cour a même réaffirmé mardi son "indépendance".
- Avant Legrand et Cohen -
Le rapporteur de la commission d'enquête a de nombreux autres sujets en réserve: les contrats de France Télévisions avec les sociétés de production, les frais de réception, des nuitées au Festival de Cannes...
Les députés LFI ne sont pas en reste, après notamment le rapprochement fait par l'éditorialiste politique Nathalie Saint-Cricq entre antisémitisme et "quête du vote musulman", devant l'ex-insoumis Alexis Corbière.
La commission d'enquête a déjà longuement interrogé le président du régulateur de l'audiovisuel, l'Arcom. Martin Ajdari a tenté de défendre le "rôle central" du service public, qui doit "s'adresser à tous et jouer un rôle fédérateur", mais les échanges se sont rapidement corsés.
Selon un sondage Ipsos BVA-Cesi publié dans La Tribune Dimanche, plus des deux tiers des Français (69%) ont une bonne image de l'audiovisuel public. La moitié (48%) pensent cependant qu'il faut le réformer, mais sur certains aspects seulement, et près d'un tiers (31%) qu'il faut le réformer en profondeur.
Radio France et France Télévisions ont des rapports extrêmement tendus avec CNews, Europe 1 et le JDD, des médias dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré qu'ils ont assignés en justice pour "dénigrement".
Delphine Ernotte Cunci a pour la première fois en septembre qualifié CNews d'"extrême droite", la chaîne remettant en cause en retour "l'impartialité du service public".
Mercredi 17 décembre, ce sera au tour de Sibyle Veil, PDG de Radio France, d'être entendue par la commission d'enquête, suivie jeudi 18 par la directrice de France Inter et les journalistes Patrick Cohen et Thomas Legrand.
O.Bruneau--PS