 
                Thaïlande: après la mort de Sirikit, les vendeurs de vêtements de deuil en difficulté
 
                Dans un marché animé de Bangkok, des centaines de commerçants se lèvent à l'aube pour vendre aux Thaïlandais des vêtements noirs à prix cassés, afin de rendre hommage à Sirikit, qui fût leur reine pendant 66 ans.
Sirikit, la mère du roi Maha Vajiralongkorn, qui reigne actuellement sur la Thaïlande, est décédée vendredi dernier, à l'âge de 93 ans.
Dans l'un des stands, des rangs entiers de T-shirts noirs sont accrochés près d'un panneau où on lit "T-shirt noir, 40 baht", une fraction du prix habituel qui se situe généralement entre 200 et 500 baht (5,30 - 13,30 euros)
"Nous vendons à ce prix afin que tous les Thaïlandais puissent porter du noir en signe de respect envers la reine mère", a déclaré le propriétaire du stand, Thanachote Siripadungdech, qui a lancé cette promotion peu après l'annonce par le palais du décès de Sirikit.
La famille royale détient une place centrale dans la société thaïlandaise. Des portraits de ses membres sont souvent affichés dans les maisons, bureaux et espaces publics à travers le pays.
Depuis la mort de Sirikit, le gouvernement a décrété une période de deuil d'un an pour les fonctionnaires et a exhorté la population à porter les couleurs traditionnelles thaïlandaises du deuil, le noir ou le blanc, pendant 90 jours.
Mais le ministère du Commerce a également mis en garde contre le gonflement des prix, ouvrant même une ligne téléphonique pour dénoncer de telles pratiques.
Certains magasins de vêtements cherchent à capitaliser sur le deuil national en échangeant leurs stocks avec des habits sombres.
Mais Thanachote, 53 ans, qui a cassé le prix de ses T-shirt, y voit plutôt une façon de marquer son respect à la famille royale.
"Ma situation est stable aujourd'hui et je n'ai pas de dettes, donc vendre à perte ne me dérange pas", a-t-il déclaré à l'AFP.
"Je veux juste faire quelque chose pour la reine mère et la famille royale", a ajouté le vendeur, vêtu de noir de la tête aux pieds, tout en répondant aux appels de ses fournisseurs en Thaïlande et en Chine.
- D'un deuil royal à l'autre -
Anut Pormsri, qui vend des chemises dans un autre magasin du marché, ajoute, lui, que les ventes ont chuté comparé à la précédente période de deuil, quand le roi Bhumibol, le père du monarque actuel Vajiralongkorn est décédé en 2016 après 66 ans de règne.
"Avant, je vendais beaucoup plus", a déclaré Anut à l'AFP. "Aujourd'hui, je vends à perte et je n'ai presque plus de clients."
Chit Sopheak, un autre vendeur qui n'a pas baissé les prix de ses T-shirts, raconte qu'il vend seulement 50 vêtements par jour, contre 400 lors de la précédente période de deuil royal.
"Il y a de la concurrence des vendeurs en ligne", explique-t-il à l'AFP. "L'économie n'est pas au mieux à l'heure actuelle."
L'analyste Pavin Chachavalpongpun, ancien diplomate thaïlandais et universitaire spécialiste de la monarchie, a relevé une différence entre le deuil public pour Sirikit et la tristesse exprimée pour le défunt roi. Il décrit "un changement radical du paysage politique thaïlandais".
"Les générations plus âgées et les fonctionnaires continuent de se conformer consciencieusement aux directives du gouvernement, en portant des vêtements noirs et en observant les périodes de deuil officiel", explique-t-il à l'AFP.
Mais selon lui, l'humeur nationale de la semaine dernière était d'avantage une marque de "respect institutionnel" qu'un "chagrin profond et sincère".
F.Colin--PS
 
                         
                         
                        