La Tanzanie toujours confinée après le chaos électoral, au bilan toujours incertain
Le gouvernement tanzanien a prolongé jeudi le confinement imposé à sa population la veille en raison du chaos électoral, policiers et soldats surveillant les rues de la plus grosse ville après des manifestations violentes au bilan toujours incertain.
Promue à la succession de John Magufuli à sa mort en 2021, Samia Suluhu Hassan aspire cette fois à être élue présidente. Saluée dans un premier temps pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle est accusée de mener une répression sévère contre ses critiques.
L'important dispositif sécuritaire mis en place mercredi n'a pas dissuadé des centaines de personnes de manifester à Dar es Salam, attaquant des bureaux de vote et incendiant un poste de police dans la capitale économique, la ville plus peuplée du pays (six à huit millions d'habitants).
Une source diplomatique a déclaré à l'AFP que les troubles se sont poursuivis à à Dar es Salam dans la nuit malgré le couvre-feu décrété.
L'avenir de la présidente semble "incertain", a-t-elle jugé, alors Mme Hassan fait, depuis son arrivée au pouvoir, face à l'opposition de certaines parties de l'armée et d'alliés de son prédécesseur, selon des analystes.
Une grande partie du centre économique de Dar es Salaam était déserte jeudi après-midi, mais une forte présence sécuritaire était visible dans les rues, des coups de feu étant encore fréquemment entendus, a constaté un journaliste de l'AFP.
Des troubles ont été signalés dans plusieurs autre villes, notamment à Songwe (Ouest) et Arusha (Nord-Est).
- Médias muets -
Le porte-parole du gouvernement, Gerson Msigwa, a annoncé sur Instagram que les fonctionnaires continueraient à télétravailler vendredi, que les écoles resteraient fermées et a exhorté la population à rester chez elle.
Le blocage d'internet a été partiellement levé jeudi après-midi, de même que les restrictions sur les appels internationaux.
Alors que les médias locaux, très contrôlés, n'ont publié aucune mise à jour depuis mercredi matin, la chaîne de télévision nationale a annoncé les résultats de premières circonscriptions, suggérant, sans surprise, un raz-de-marée de Mme Hassan.
Les résultats finaux devraient être communiqués dans les deux jours à venir.
Une grande partie de la colère, constatée en ligne, est dirigée contre le fils de la cheffe de l'Etat, Abdul, qui pilote une "force d'intervention informelle" de police et de services de renseignement pour gérer la sécurité électorale, selon le média spécialisé Africa Intelligence.
Cette force est accusée d'une importante augmentation des enlèvements de critiques du gouvernement les jours ayant précédé le scrutin, notamment celui d'une populaire influenceuse, Niffer, elle-même accusée d'appeler à des manifestations.
L'organisation de défense des droits humains Amnesty international a dénoncé une "vague de terreur" marquée par "des disparitions forcées" et "des exécutions extrajudiciaires" en amont du scrutin.
L'ONG a déclaré dans un communiqué mercredi soir avoir documenté "deux décès" à partir de photos et de vidéos publiés sur des réseaux sociaux, exhortant les autorités à la retenue. Le principal parti d'opposition, Chadema a indiqué à l'AFP détenir des informations faisant état d'au moins quatre morts.
- Touristes bloqués -
Chadema a été disqualifié pour avoir refusé de signer le code électoral qui, selon cette formation, n'incluait pas les réformes qu'il exigeait. Le parti a appelé au boycott du scrutin. Son chef Tundu Lissu, arrêté en avril, est jugé pour trahison, un accusation passible de la peine capitale.
Le seul autre candidat sérieux de l'opposition, Luhaga Mpina, de l'ACT-Wazalendo, a quant à lui été disqualifié pour des raisons de procédure.
La plupart des médias étrangers n'ont pas obtenu d'accréditation pour couvrir le scrutin en Tanzanie continentale, où se sont déroulés les heurts, mais ils peuvent travailler sur l'archipel de Zanzibar, où la situation est plus apaisée.
Des touristes bloqués à l'aéroport de Zanzibar, ont confié leur malaise à l'AFP, certains dormant à même le sol, d'autres à court d'argent liquide, les paiements par carte étant impossibles.
"C'est la chose la plus terrifiante que j'aie jamais vécue", s'est émue une Sud-Africaine à l'AFP, décrivant la présence, à l'extérieur de l'aéroport, d'"hommes en uniforme noir, masqués et lourdement armés". "Je veux juste rentrer chez moi", a-t-elle ajouté.
Des douzaines touristes, dont des enfants et des personnes âgées, sont également coincés depuis mercredi à l'aéroport dit du Kilimandjaro, une destination touristique prisée, selon un Français interrogé par l'AFP.
Après "des barrages routiers, des coups de feu et des émeutes dans les rues" mercredi, la distribution de la nourriture n'est plus assurée jeudi, a-t-il témoigné, se disant victime d'"une prise d'otage".
J.Simon--PS