
En Afghanistan, la pluie après le séisme pour les survivants

"Il pleut et on nous laisse vivre dehors", se lamente Khan Zaman Hanafi, un agriculteur de l'est de l'Afghanistan, quatre nuits et quatre jours après que la terre a grondé et emporté sa maison dans le village de Shelt.
Désormais dépourvus de tout et surtout d'un abri, l'Afghan et sa famille pensaient avoir connu le pire, jusqu'à l'arrivée de la pluie.
Shelt, et le village voisin de Mama Goul, "ont été oubliés par le gouvernement et les ONG", dit-il à l'AFP depuis le champ de maïs où il campe avec les siens, à distance de leur village dévasté, préférant fuir les décombres.
Ici, dans les vallées qui, avant le retour des talibans au pouvoir il y a quatre ans, étaient connues pour la contrebande et le passage de combattants de et vers le Pakistan, les maisons de terre battue sont construites à flanc de montagne, les unes au-dessus des autres.
Dimanche soir, quand la terre a tremblé, elles se sont effondrées dans un immense effet domino.
Kounar, province recouverte d'immenses forêts, a été la plus touchée par ce séisme de magnitude 6, l'un des plus meurtriers de l'histoire récente du pays.
- "C'est le chaos" -
"A Shelt, il y avait 350 maisons et 300 à Mama Goul et on a entendu dire que seules 68 tentes avaient été données", lâche Khan Zaman Hanafi, assurant n'en avoir jamais vu la couleur.
"Cet endroit est invivable mais on n'a pas d'autre choix", se lamente-t-il. "Nous sommes pauvres, nous voulons que le gouvernement et des ONG nous aident à construire des maisons".
Mais les autorités talibanes l'ont déjà dit: elles ne pourront pas gérer seules la catastrophe. En face, l'ONU et les ONG assurent ne pas pouvoir faire plus alors qu'elles peinent déjà à absorber la baisse drastique de l'aide internationale et le retour de millions de migrants expulsés des pays voisins.
Pour le moment, les autorités manient la pelleteuse sur les flancs escarpés de Kounar: les rares routes, sinueuses et déjà peu larges, doivent être dégagées au plus vite.
Khan Saeed Deshmash, lui, a pu éviter ces axes cahoteux. Il a été transféré avec une douzaine de membres de sa famille blessés de son village de Minjegale par hélicoptère vers un hôpital à Jalalabad, la capitale de la province voisine de Nangarhar.
Ce cultivateur de céréales de 47 ans a perdu six proches dans le séisme, mais aussi toutes ses vaches et ses moutons et, depuis, dit-il, "tout le monde est traumatisé et c'est le chaos, on n'arrive plus à réfléchir normalement".
- "Plus possible d'habiter ici" -
Il n'y a plus qu'une seule chose dont il est sûr, affirme-t-il: "ce n'est plus possible d'habiter dans ces villages, il y a encore des répliques, toutes les maisons sont détruites et il faut qu'on soit relogés ailleurs".
Abdul Alam Nezami, 35 ans, lui, veut bien imaginer rester dans son village de Massoud où il a hérité des champs de maïs de son père.
Mais il faudra lancer au plus vite de grands travaux pour réparer tout ce que les glissements de terrain et les éboulements qui ont suivi le séisme ont détruit dans un pays où déjà 41 des 48 millions d'Afghans vivent avec moins d'un dollar par jour.
Les travaux continuent pour déblayer les routes encombrées, mais il faut aussi reconstruire "les canaux d'irrigation et les réservoirs d'eau pour que les récoltes ne soient pas entièrement détruites", plaide Abdul Alam Nezami.
Pour le moment, il survit sous une tente, forcé à la promiscuité et à l'inconfort.
"Ils n'ont donné qu'une seule tente pour deux ou trois familles et certaines d'entre elles fuient quand il pleut", lance-t-il.
A Mazar Dara aussi, les bâches tirées des gravats pour bricoler des abris "sont trouées" et "ne nous sauvent pas de la pluie", témoigne Zahir Khan Safi, agriculteur de 48 ans.
"On les garde pour les enfants", dit-il, mais ceux-ci se retrouvent avec des vêtements mouillés, "et n'ont pas de vêtements de rechange".
I.Masson--PS